Accueil
|
Assurance-maladie : un rapport en trompe l'oeil
|
![]() |
Le Haut Conseil pour l'avenir de
l'assurance-maladie vient de rendre son rapport. Il fait le constat que
"l'assurance-maladie constitue un de nos grands succès collectifs ". Il affirme
que "les principes de solidarité de notre système de prise en charge sont sains
et doivent être maintenus" et il considère comme positif "au regard de la
solidarité nationale" le fait que "les cotisations ne tiennent pas compte de
l'état de santé des assurés". Même si la formulation est prudente, il n'exclut
pas la nécessité d'une "augmentation des recettes sur longue période". Il met à
juste titre l'accent sur une nécessaire réforme du système de soins en pointant
l'exigence d'une meilleure coordination entre les acteurs. Enfin il se prononce
contre la liberté tarifaire prônée par certaines organisations de médecins en
caractérisant comme fondamental le principe "d'opposabilité des tarifs".
Si ces affirmations sont positives, le diagnostic général, centré sur
les problèmes financiers, reste marqué par un catastrophisme qui lui fait dire
que l'assurance-maladie est "désormais en situation de grave péril". Si le
Haut-conseil admet qu'agir sur plusieurs leviers sera nécessaire, l'accent est
mis essentiellement sur la réduction des dépenses et la recherche de gains de
productivité, alors même qu'il est obligé de reconnaître qu'il est difficile
d'en mesurer l'impact réel et qu'une telle orientation "ne pourrait suffire à
couvrir les impératifs financiers de court terme". De plus, le rapport contient
un certain nombre d'allégations discutables et dangereuses pour l'avenir d'une
Sécurité sociale solidaire, voire même de contrevérités. Il comporte de plus des
oublis inquiétants.
Tout le raisonnement économique est basé sur les a priori de la
pensée néolibérale, comme par exemple l'affirmation que "la levée des recettes a
posé des problèmes politiques et économiques". Le rapport avance ainsi que "la
France se situe parmi les pays qui consacrent le plus de leur richesse aux
dépenses de soins". Une comparaison honnête fait pourtant ressortir au contraire
que les dépenses de santé en France se situent dans la moyenne internationale
pour les pays ayant un développement comparable : Allemagne, 10,7 % du PIB ;
Canada, 9,7 % ; Suisse, 10,9 % ; France 9,5 %. La seule exception est les
États-unis avec près de 14 % du PIB, pays où la santé est en large partie
privatisée avec pour conséquence le fait que la moitié des habitants n'ont pas
accès à des soins convenables.
Concernant le déficit, le rapport ne tire pas de conséquence du
constat que le manque de ressources de la CNAM est d'abord dû à un
ralentissement des recettes, contrecoup de la croissance du chômage et fait
l'impasse sur les dettes de l'Etat et des employeurs. De même laisser planer la
menace d'un "effet éviction massif au détriment des autres besoins collectifs"
en cas d'augmentation des recettes, c'est oublier qu'il est possible de dégager
des ressources supplémentaires en rééquilibrant la part des salaires (salaires
directs et cotisations sociales) dans la valeur ajoutée créée par les
entreprises alors que celle-ci a baissé de 10 points en 20 ans.
L'augmentation éventuelle des recettes est centrée sur la CSG alors
que son produit est essentiellement généré par les salariés et l'éventualité
d'une augmentation des cotisations patronales n'est même pas évoquée. Le Medef
peut dormir tranquille. Le rapport préconise une unification des taux au
détriment des retraités et des chômeurs qui vont pourtant déjà subir une baisse
de leurs revenus de remplacement avec les différentes mesures gouvernementales.
Concernant la prise en charge des malades, le rapport ne dit rien des
mesures de déremboursement déjà prises ainsi que de la hausse du forfait
hospitalier et les formulations technocratiques dissimulent une philosophie
porteuse de régressions sociales. Les notions d ' efficacité et d'efficience
sont mises au service d'orientations visant, de fait, à diminuer le niveau de
remboursement des soins par l'assurance-maladie, "l'aisance d'accès aux soins "
étant dénoncée et des "formes nouvelles de ticket modérateur" envisagées .
L'opacité des expressions cache mal la volonté de réduire la prise en charge
publique, la participation des ménages étant considérée comme "très modeste". On
comprend que dans cette perspective, le rapport ne dise rien sur le caractère
inégalitaire et socialement discriminatoire de la plupart des couvertures
complémentaires.
Le Haut-conseil justifie les restructurations dans le secteur
hospitalier et la tarification à l'activité. Ainsi est approuvée l'application
d'une stricte logique financière qui se fera au détriment de la qualité des
soins en contradiction avec les propos lénifiants tenus à ce sujet. La question
de la prévention et des déterminants sociaux de la santé n'est pas réellement
traitée, les paragraphes abordant ces points ne sont là que pour la forme et le
rapport ne fait sur ce sujet aucune réelle recommandation. Autre "oubli", le
rôle de l'industrie pharmaceutique dans l'augmentation des coûts de
l'assurance-maladie et dans le " rapport qualité/coûts" des médicaments.
Concernant le mode de prise de décisions, le rapport se focalise sur
les questions institutionnelles et n'évoque qu'au détour d'une phrase la
nécessité d'une "élaboration partagée avec les acteurs de la santé". La mise en
place de processus de démocratie participative associant tous les acteurs du
système est pourtant décisive pour décider ce qui doit être remboursé par la
Sécurité sociale et donc pour définir collectivement les moyens financiers à
mettre en oeuvre.
Pour l'Union syndicale G10 Solidaires, ce rapport est largement en
trompe l'oeil. Malgré un hommage obligé à l'assurance-maladie, il est lourd de
menaces pour l'avenir. Plus que jamais, il faut dès aujourd'hui préparer les
conditions d'une mobilisation unitaire d'ampleur des salariés pour bloquer des
projets porteurs de régression sociale et imposer une véritable refondation
d'une assurance-maladie solidaire